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Milaad au pays des caribous
22 mai 2012

De retour... en pleine tempête !

Expression québécoise n°3 : « Tin ! Dans les fesses mon câlisse !! »

De retour au pays de l'érable, des caribous, de l'indépendantisme et de l'accent « rigolo ». De retour dans la ville des parcs, des pistes cyclables, des rues perpendiculaires et de la tolérance.

Tolérance est le mot qui me vient à l'esprit quand je pense à Montréal. Même si en ce moment, le gouvernement du Québec trahit cet idéal. Mais j'aurai l'occasion d'y revenir.

Plus de deux semaines après mon atterrissage, la nature est encore en plein travail. Le soleil caresse doucement les arbres innombrables qui bordent les rues, et tandis que la chaleur se fait encore timide, en une semaine, les bourgeons sont apparus et le gris a laissé place au vert. La semaine suivante, les fleurs explosaient. Ce week-end (pardon, cette fin de semaine) il a fait 30°.

J'ai donc la chance de vivre deux printemps cette année. Magie du décalage horaire et du gulf stream réchauffant notre chère vieille Europe. Et peut-être magie aussi de ce "printemps érable" qui embrase la Belle Province depuis plus de trois mois. Un conflit étudiant qui n'a jamais duré aussi longtemps dans toute l'histoire du Québec.

Un petit point sur la situation. Elle mérite d'être connue.

D'abord, précisons, cher-e-s ami-e-s français-e-s, qu'une grève étudiante au Québec n'a rien à voir avec les nôtres. Elles sont moins fréquentes, pour plusieurs raisons.

D'abord, le système syndicaliste étudiant est très hiérarchisé, chaque étudiant fait partie de l'association de son programme d'étude (par exemple, moi je fais d'office partie de l'AECSEI = asso des étudiants aux cycles supérieurs en études internationales), qui est elle-même affiliée à un syndicat national étudiant (il y en a trois il me semble). Je vous passe les détails, c'est suffisamment compliqué comme ça ^^ Ainsi, de par ce système, les AG décidant d'une possible grève se font au sein de chaque asso. En fonction du nombre d'étudiants dans chaque programme, on peut assister à des AG de 30, 50 ou 300 personnes. Ce qui a l'avantage d'éviter les AG massives et difficilement gérables de chez nous, et surtout oblige les universités à reconnaître les résultats des votes puisque l'invitation aux AG se fait par courriel, de manière très officielle, de la même façon que sont reconnus les associations et les droits des étudiants. Enfin, je devrais dire "étaient".

Ensuite, il faut savoir qu'une session de cours (soit 4 mois dans l'année) coûte 1500$. A ce prix, on y réfléchit à deux fois avant de risquer de perdre sa session.

Et c'est justement à ce sujet que le conflit éclata : la hausse des droits de scolarité.

Plus de trois mois qu'un grand nombre d'universités sont en grève, suivis de près par les collèges et les Cégeps (qui font la transition, en un an, entre le collège et l'université), pour empêcher une augmentation des frais de scolarité de 1625$, sur trois ans. Et cela fait presque un mois que des manifestations ont lieu, TOUS les soirs, dans les rues de Montréal, parfois aussi dans la journée. Elles sont majoritairement pacifiques, mais étant donné que le gouvernement (libéral, centre-droit) a refusé toute négociation avec les syndicats étudiants pendant 10 semaines, pour ensuite proposer un plan de sortie de crise totalement décalé et en tout cas rejeté par la grande majorité des AG étudiantes, il n'est pas étonnant que des dérapages aient eu lieu. Mais, dans la très grande majorité des évènements, les étudiants ont fait preuve d'un pacifisme et d'une intelligence formidable. En témoigne, par exemple, ce lipdub réalisé par deux étudiants de l'UQAM, qui rend hommage aux idées et créations qui ont jalonné les manifestations en les regroupant dans un seul clip : http://www.youtube.com/watch?v=9YVprVrnfZ0&feature=share

Dans ce contexte d'injustice et de pacifisme, on déplore surtout les brutalités policières. Il est d'ailleurs temps de vous expliquer la raison de l'expression québécoise n°3 !

http://www.youtube.com/watch?v=rKWJ1la45P4

C'est presque drôle, faut le dire ! Mais honnêtement y a pas de quoi rire. La situation ne risque pas de s'améliorer de sitôt : une « loi spéciale » ou loi 78 a été adoptée par le parlement vendredi dernier. Elle interdit carrément aux étudiants de faire grève, sous peine d'amende très élevées. Mais ce n'est pas tout, la loi stipule que « Quiconque, par un acte ou une omission, aide ou, par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, amène une autre personne à commettre une infraction visée par la présente loi commet lui-même cette infraction et est passible de l’amende prévue au premier alinéa de l’article 25 ou de celle prévue au paragraphe 1 ou au paragraphe 2 du deuxième alinéa de cet article s’il est visé par un tel paragraphe ». (Article 29 de la loi spéciale).

Par « omission » ? « Encouragement, conseil, consentement » ?? Ce vocabulaire, cette imposition par la peur, cet appel à la délation est une porte ouverte aux abus de pouvoir et une atteinte à la démocratie, comme l'explique très bien cet article du Devoir. Désormais, quiconque porte le symbole de la lutte contre la hausse des frais, un carré rouge, est passible d'une amende. Rien que cet acte est considéré comme un délit. La liberté d'expression est donc bafouée, et en tant que française on ne peut que s'étonner que le Québec ait pu en arriver là... tous comme les québécois d'ailleurs, qui ne sont pas en reste pour imaginer des moyens de résistance qui, je l'espère, permettra de faire retirer cette loi ignoble.

Entre parenthèse, une des dispositions de la loi choque particulièrement les québécois, alors que ces prérogatives sont appliquées en France depuis... X années (si quelqu'un le sait, qu'il nous en informe ! Ah... on me souffle dans l'oreillette qu'il s'agit d'une loi de 1935, renforcée par une autre de 1995, merci Alex !) : les manifestants dépassant les 49 personnes sont désormais tenus d'aviser à l'avance du tracé du cortège aux autorités. Je ne sais pourquoi la France est précoce en matière de "maintien de l'ordre public" sécuritaire, et le Québec aussi peu enclin a accepter cela, je ne suis malheureusement pas assez calée sur l'histoire des mouvements sociaux... mais je me laisse aller à imaginer que la France est un pays répressif... non ? ^^

Je m'arrête là et vous laisse vous informer plus avant si cela vous intéresse. Le feuilleton continue chaque jour, à chaque manif', et demain c'est une manifestation nationale qui aura lieu, on l'espère, sans heurt.

Ou alors avec juste un beau feu de joie pour fêter l'anniversaire d'Alexandre (crédit photo ! ;-) ) et la fin de la démocratie au Québec !

manif 19 mai 2012

D'autres vidéos :

 http://www.youtube.com/watch?v=qLvsy4eLAwk&sns=fb

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=NtY6S6TpyDw

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Commentaires
M
:-) ça fait plaisir de voir que ça vous intéresse.<br /> <br /> Oui, il s'agit d'une augmentation de 1625 donc portant la session (4 mois) à 3125$.<br /> <br /> Je posterai très vite qqs vidéos explicatives sur cette hausse, envisagée depuis des années. La dette publique québécoise est un gros problème, comme en France. Mais la question, comme souvent, n'est pas de savoir si "les caisses sont vides", mais plutôt de savoir comment est géré/distribué l'argent public. Et oui, d'accord avec toi Audrey sur les manifs, c'est possible que ce soit une explication.<br /> <br /> A très vite les blogueuses ! ;)
A
En fait, c'est vrai que je n'ai pas bien compris l'augmentation dont il est question : on passe de 1500 à 1625 par module, ou à 1500+1625 soit 3125 ?
L
Hallucinant cet article de Loi !! C'est juste pas croyable O_o<br /> <br /> Défense de porter un insigne, interdire le droit de manifestation, ou même le fait de l'encourager "par ommission"...! Cela rappelle des contextes politiques bien sombres.<br /> <br /> <br /> <br /> On se demande pourquoi le gouvernement en arrive là.<br /> <br /> Et d'ailleurs, pourquoi cette hausse des tarifs si massive (plus que doublée en 3 ans si j'ai bien compris) ? Les universités sont-elles en déficit ? Le budget de l'État est-il gravement endetté comme en France ?<br /> <br /> <br /> <br /> Sinon, en ce qui concerne l'obligation française de signalement du parcours d'une manifestation, personnellement je ne qualifierais pas ça de "répressif"... Ce n'est pas une demande d'autorisation, mais simplement une information des autorités. Ça peut parfois même se révéler bénéfique (déviation des axes de circulation pour laisser place au cortège par exemple).<br /> <br /> Enfin c'est mon avis ^_^
A
[ne viendrait tout simplement pas plutôt "du fait" qu'on]
A
Est-ce que le fort encadrement des manifestations, en France, ne viendrait tout simplement pas plutôt qu'on y manifeste beaucoup, en masse et depuis longtemps ? D'où le fait d'avoir légiféré ? Que s'était-il passé à l'époque de cette loi, en 1935, et quelle était l'ampleur du mouvement ? Etait-ce comparable aux événements du Québec aujourd'hui ?
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